Les événements de 1974 et la division consécutive de l'île
en deux parties ont tiré la pointe sud-est de Chypre de son sommeil de Belle au
Bois Dormant. Les réfugiés du Nord arrivèrent massivement dans cette région et
un essor économique fabuleux s'ensuivit. Larnaka et sa région ont pour le moins
pris la relève de Famagouste. Aux portes de Larnaka les nombreux hôtels de
construction récente indiquent l'importance du rôle touristique de la ville.
Les terres qui s'étendent de part et d'autre d'Ayia Napa et Paralimni - naguère
désignées du nom méprisant de « coin des pommes de terre» , sont en passe de
devenir un paradis pour vacanciers. Ici également l'effort de construction est
phénoménal et, par bonheur, respecte l'idiome architectural de la région qu'il
n'a jusqu'a présent nullement défigurée. Dans le ciel tournent encore des
centaines de roues éoliennes animées par la brise marine. C'est ainsi qu'est
pompée l'eau qui irrigue les champs de terre rouge (couleur de « Sienne brûlée
»), tant et si bien que ceux-ci donnent annuellement deux à trois récoltes de
légumes et deux récoltes de pommes de terre.
Sur les collines qu'embrasse ici le regard, alternent les
cultures, les plantations d'agrumes et les oliveraies. Arthur Rimbaud a vécu
ici quelque temps (de 1878 à 1879, à Potamos notamment), fasciné par
l'incomparable lumière répandue ici sur la terre et la mer et les pittoresques
calanques rocheuses de la cote déchiquetée.
Larnaka ( 40 000 habitants)
Larnaka, capital de la province du même, s’étend sur le
littoral méridional de l’île, à 50
km de Nicosie. Son aéroport international ( Larnaka
International Airport ) Situé à 10
km du centre-ville, accueille aujourd'hui les jumbo
jets, l'aéroport de Nicosie n'étant plus affecté qu'aux seules forces
militaires du maintien de l'ordre des Nations Unies. Les nombreux navires qui,
avant 1974, mettaient le Cap sur Famagouste, premier port le transit de l'île,
déchargent aujourd'hui leur frêt à Larnaka. Le développement industriel de la
ville n'est pas moins considérable; mais malgré les raffineries, les
implanta:ions industrielles et les immeubles le bureau, le charme provincial
des rieux quartiers est resté intact et le passé est ici partout présent. Les
maisons seigneuriales, les ruelles étroites et animées, la promenade lu front
de mer avec ses édifices te l'époque coloniale anglaise évoluent les temps où
la ville était le siège des consulats et des sociétés internationales.
Histoire
Le fait que la ville se soit érigée sur les vestiges de
l'antique Kition, ondée au XIIIe siècle avant J.-C par les Mycéniens, complique
singulièrement - depuis quelque temps déjà - la tâche des archéologues.
Les fouilles récentes effectuées dans l'enceinte même de la
ville ont permis d'affirmer que Kition avait elle-même été érigée sur les
vestiges d'une fondation plus ancienne, datant du début du second millénaire
avant notre ère. Ce qui réciproquement confirmerait les dires des prophètes de
l'Ancien Testament selon lesquels, l'arrière petit-fIls de Noé, Kittim, aurait
pris possession de l'île et y aurait fondé une ville à laquelle il aurait donné
son nom - Kittim - devenue ultérieurement Kition.
Il semblerait ensuite que Kition ait connu la même évolution
qu'Alasia,: à la première strate d'occupation mycénienne (1400 avant J.-C.) :
dont on a dégagé, outre de grandes quantités de scories de cuivre,tuyaux en terre cuite et creusets de
:fonderie, des tombeaux au mobilier funéraire précieux, a succédé une strate
d'occupation marquée par la dévastation finale, due vraisemblablement à
l'irruption du peuples marins. Plus tard le centre de Kition se serait
progressivement déplacé vers la mer.
Sous la thalassocratie phénicienne qui donna un essor
phénoménal au commerce du cuivre chypriote au Ville siècle avant J.-C., la
ville partagea la prospérité croissante de l'île. En 336 avant J.-C., à
l'époque d'Alexandre le Grand, naissait ici le plus célèbre des enfants
chypriotes, Zénon, le philosophe. Dans le jardin public de Lamaka s'élève une
stèle commémorant la gloire du fondateur de la Stoa (doctrine du Portique, stoa, ou stoicisme)
des Grecs anciens.
La ville des temps modernes est née au lendemain des
premiers raids arabes, au milieu du VIIe siècle. Au Moyen Age, la ville s'éloigna
de la côte et s'étendait à 1,5
km de la mer, à l'emplacement de l'actuelle résidence de
l'évêque de Kition.
Sous la domination ottomane (1573-1878), Larnaka fut pour la
première fois premier port chypriote et siège des grandes compagnies de
commerce et des grandes agences maritimes; Famagouste construisit ensuite ses
propres installations portuaires, détrônant bientôt l'ancienne Kition.
Ce qu'il faut voir
Église de Saint-Lazare Cette église à trois nefs fut
construite au IX siècle par l'empereur Léon VI (le Philosophe). En l'an 890 on
découvrit à cet endroit un tombeau que l'on attribua à Lazare, qui après sa
résurrection par le Christ aurait vécu trente ans à Chypre. Il fut, selon la
légende, le premier évêque de la ville. Le sarcophage du saint est conservé
au-dessous de l'autel.
Église de Saint-Lazare La dépouille du saint volé à l'époque des Croisades, repose
à Marseille.L'église, située dans le vieux quartier commerçant de la
ville, a été plusieurs fois agrandie. Sous la domination turque, elle obtint -
rare privilège - la permission de construire un campanile. Son iconostase date
du XVIII e siècle.
Le château fort doit sa forme actuelle aux travaux
turcs (1625) qui intégrèrent des éléments vénitiens antérieurs. Par la suite il
servit de caserne et de prison. Il abrite aujourd'hui un petit musée consacré à
l'histoire des origines de Kition et aux fouilles du Tekké de Hala Sultan.
Le musée archéologique régional s'élève place
Kalogreon ; on peut y voir, à l'intérieur de deux salles, des objets allant du
néolithique au Moyen Age.
Salle I : objets dégagés à Khirokitia, rhytons et vases
mycéniens provenant de Pyla, poteries proto-géométriques trouvées à Kition,
sceaux cylindriques de l'âge du bronze (VII-VIe siècle), verrerie romaine,
joyaux de l'époque qui va du bronze tardif au début de notre ère, céramiques du
Moyen Age.
Salle II : sculptures d'Arsos et de Kition ; figures en terre
cuite, mobilier funéraire.
Champs de fouilles Immédiatement derrière le musée
archéologique (côté nord) se trouvait l'ancienne Acropole de Kition. La butte
de Bamboula a été considérablement nivelée par les Anglais au XIX siècle.
Des secteurs 1 à IV des fouilles de l'ancienne Kition, c'est
le secteur II, situé au nord de l'avenue de l'archevêque Kyprianou qui est le
plus intéressant. Les fondations du temple mises au jour datent du XIIIe siècle
avant J.-C.
La collection Pierides. Il ne faut à aucun prix
manquer de visiter la collection Pierides, située 4, rue Zénon Kitieus
(consulat de Suède). Cette collection d'antiquités chypriotes privée, commencée
au siècle dernier par le consul honoraire, Demetrios Pierides, est unique en Son
genre. Dans quatre salles sont présentés d'admirables objets couvrant
l'entre-deux du néolithique à l'époque romaine.
Environs de larnaka
Pyla ( 6km)
Pyla est située dans la zone tampon contrôlée par les Forces
des Nations Unies. Dans ce village vivent encore ensemble des Chypriotes grecs
et des Chypriotes turcs. Il y a dans le village une école grecque et une école
turque, des magasins grecs et des magasins turcs, de nombreux restaurants grecs
et, sur la place du village, un café turc.
Le Grand Lac salé (5 km)
Au sud de Larnaka, à proximité directe de l'aéroport s'étend
l'un des deux lacs salés de Chypre.
Le fond du Grand Lac (superficie 6 km2) est situé à 2-3 mètres au-dessous du
niveau de la mer. Lorsque l'eau s'est évaporée, au mois d'août, il reste une
croûte de sel de 5 à 10 cm
d'épaisseur. Celle-ci était déjà ratissée dans l'Antiquité. La production
annuelle de 3 500 tonnes de sel a valu à Larnaka, à l'époque des Lusignan, le
nom de Salina.
En hiver, les eaux de pluie sont recueillies par le lac qui
devient séjour de prédilection des oiseaux migrateurs et des flamants roses.
Selon la légende, le lac devrait sa naissance à la
malédiction de Lazare. Une vigne s'élevait à l'emplacement du lac lorsque le
saint homme débarqua de Judée.
Comme il avait soif et faim, il alla s'adresser à la
propriétaire de la vigne la priant de lui donner quelques grappes de son
raisin. Avare, la femme lui répondit par un mensonge: . Étranger, vois-tu, ma
vigne a séché cette année et n'a pas produit une seule grappe ».
Lazare lui dit alors: «Puisque tu m'as menti, que ta vigne
se dessèche et se transforme en lac salé. »
Le Tekkê de Hala Sultan
Sur la rive du lac salé s'élève une oasis de palmiers,
d'eucalyptus et de cyprès; au milieu des arbres se dresse une mosquée. Le
minaret que l'on aperçoit de loin au-dessus du bouquet d'arbres exotiques, est
celui du Tekké de Hala Sultan, l'un des lieux saints de l'Islam. A l'époque de
la domination turque, tous les bateaux de l'empire ottoman qui passaient au
large du tekké, en signe de respect, mettaient leur pavillon de berne. Le tekké
abrite le mausolée d'Umm Haram, tante présumée du prophète Mahomet. Selon la
tradition Umm Haram serait tombée de mulet alors qu'elle suivait une expédition
arabe en 647, et aurait brisé son cou
d'albâtre , puis elle aurait rendu au ciel son âme intrépide . Le tombeau
actuel date de 1760 ; la mosquée fut pour sa part érigée en 1816.
Panayia Angeloktistos à Kiti
Le village n'est qu'à 6 km au sud du Grand Lac salé.
L'église Panayia Angeloktistos (littéralement. construite par les anges») est
un édifice impressionnant du Xe siècle; le narthex a été ajouté à l'époque des
Lusignan. Le mosaïque dégagée dans l'abside en 1952 atteste, entre autres, de
l'existence, sur ce lieu, d'une église plus ancienne encore.
Cette mosaïque byzantine, que l'on peut attribuer au VIe
siècle, est d'une rare qualité (digne selon certains auteurs des mosaïques de
Ravenne). Elle représente la
Vierge et l'Enfant Jésus. Ce dernier élève le bras droit dans
un geste de bénédiction. Les deux archanges penchés vers la Vierge, Michel (à gauche,
en partie endommagé) et Gabriel, portent le sceptre et le globe surmonté d'une
croix; leurs ailes sont en plumes de paon.
Le monastère de Stravrovouni (30 km, alto 690 m) Sur le dernier sommet
oriental du mont Troodos s'élève le monastère de Stravrovouni ( montagne de la Sainte-Croix ), que
l'on voit de très loin. Sainte Hélène, mère de l'empereur Constantin, aurait en
327 fondé ce monastère, le plus ancien de Chypre, à l'emplacement d'un temple
d'Aphrodite. Aujourd'hui les croyants y vénèrent une relique, morceau de la
vraie croix du Christ et un morceau de la croix du larron repentant. La
fondatrice les avait rapportés de Judée, et en les donnant au monastère de
Stravrovouni, elle en faisait le plus important des lieux de pèlerinage de
l'île
Les murs de l'édifice monacal, conçu comme une forteresse,
furent - tel qu'on le voit aujourd'hui construits en majeure partie au XIXe siècle.
Le monastère est alimenté par l'eau de quatre citernes; quelque 15 moines y
vivent encore qui offrent volontiers un rafraîchissement aux visiteurs et
pèlerins altérés. Le monastère est accessible aux femmes le dimanche seulement.
Depuis la terrasse située derrière l'abside on jouit d'un
panorama inoubliable. La vue plonge en effet jusqu'à Larnaka et sa baie,
situées à quelque 30
kilomètres de là.
Pyrga (20
km) 260 hab.
Le voyageur qui choisira de traverser Pyrga, enfouie dans
une oliveraie, pour aller de Larnaka rejoindre la route Nicosie-Limassol ne
regrettera pas de s'être accordé le détour. S'il a consommé un petit remontant
dans le café local, situé sur la place du village, il se verra confier bien
volontiers la clé de la Chapel
royale de Sainte-Catherine, située à deux pas.
Selon toute vraisemblance, le roi Janus (catholique romain)
aurait fait construire cette église en 1421 et l'aurait fait décorer par un
peintre autochtone orthodoxe. Aussi les fresques sont-elles entièrement
byzantines par le style, mais émaillées ça et là d'éléments occidentaux comme,
par exemple, telles inscriptions rédigées en français médiéval.
Sur l'une des peintures murales, hélas en mauvais état de
conservation, on voit Janus et son épouse, la reine Charlotte, au pied d'une scène
de crucifixion en partie endommagée. D'autres scènes sont représentées: la Cène, la Résurrection de Lazare,
l'Entrée du Christ à Jérusalem, la
Mort de la
Vierge.
Lefkara (39 km)
585 m, 2
100 hab.
Pano Lefkara est située à l'ouest de Larnaka. Avant
d'arriver au lieudit, on admirera de loin la vue des deux agglomérations
jumelles, Panolefkara en haut et Katolefkara en bas. Tout le charme du midi est
réuni ici: les amandiers, les abricotiers, les figuiers et les oliviers qui
entourent les maisons. Cellesci, peintes en blanc et en bleu azur, aux toits
rouges, s'étagent en pente douce à flanc de coteau. Dans les cours, les
jardins, sur les terrasses, sous les tonnelles règne une vive animation.
C'est aux femmes de Lefkara que le village doit sa
prospérité et une réputation déjà fort ancienne. En 1481, Léonard de Vinci se
serait inspiré des dentelles de Lefkara pour décorer la cathédrale de Milan.
L'art de la dentelle et de la broderie s'est transmis ici de
génération en génération et les motifs géométriques réguliers de ces travaux
d'aiguille ont de tout temps séduit les visiteurs. Mais il ne faut pas oublier
qu'il s'agit de commerce, et que les prix, en ville, sont considérablement plus
bas qu'à Lefkara même.
A Lefkara on trouvera également des bijoux en or et en
argent et des loukoums, réminiscences d'une époque qui n'est pas si lointaine,
ou la population de Lefkara comptait encore bon nombre de Chypriotes turcs.
Khirokitia (30
km)
Ce site antique, le
plus ancien de hypre découvert à ce jour, est ement situé à l'ouest de Lara. Sa
fondation remonterait au e millénaire avant J-C.
61 des quelque 1 000 habitations ~ pierre (tholos) que
comptait la Ilonie
ont été dégagées à ce jour II habitations circulaires, recouverrtes d'un toit
conique semblable celui d'une ruche, avec des murs 'une épaisseur de 2 à 3 mètres, nt construites
côte à côte, et sont serrées les unes contre les autres les habitants devaient
s'y lais couler comme des mollusques à
Les travaux d'aiguilk de Lefkara
l'intérieur de coquillages. Les fondations d'autres maisons,
considérablement plus vastes, amènent à conclure que des disparités sociales
importantes existaient dans cette population, que l'on a estimée à 2 000-3 000
habitants. Le mobilier funéraire mis au jour dans les grandes tholos était
aussi plus riche et plus précieux que celui des petites tholos. Si les tombeaux
des femmes sont d'une façon générale plus fastueusement décorés que ceux des
hommes, c'est que l'on est en présence d'une société vouée au culte de la
«déesse-mère» (voir p. 28), où la femme est naturellement plus honorée que
l'homme. Le plus étrange à Khirokitia, est que les habitants vivaient au-dessus
de leurs morts, les défunts continuant de vivre au-dessous de l'habitation familiale.
Au-dessous des fondations d'une tholos particulière, ont été retrouvées huit
strates de squelettes différentes, soit au total 26 adultes et des enfants. A
côté du mobilier funéraire, contenant l'idole d'une divinité que l'on peut
supposer féminine, figuraient des récipients de pierre remarquables par
l'achèvement esthétique, des colliers de perles, des coquillages, des amulettes
en forme de massues ou de hachettes plates. On a également mis au jour des
pointes de lance en pierre taillée, ainsi que les ossements des animaux que
celles-ci avaient permis d'abattre: sangliers, bouquetins et mouflons. Les
objets dégagés par les fouilles (en cours) sont exposés au musée de Nicosie.
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