Famagouste
L'histoire de Famagouste (à 61 km de Nicosie) commence véritablement avec
celle de sa lointaine ancêtre, Engomi, située à 13 km au nord, florissante dès
1550 avant J.-C. Tandis qu'Engomi périclitait, à la suite de probables
tremblements de terre, Teucer, héros de la guerre de Troie, fondait à 5 km de là
son héritière éblouissante. C'est en effet au début du XIIe siècle avant J.-C
qu'apparut Salamine, cité qui allait pendant de nombreux siècles déterminer le
destin chypriote. Après des séismes dévastateurs et de nombreuses incursions
arabes, ses derniers habitants l'abandonnèrent à l'aube du Moyen Age pour aller
s'installer à 8 km au sud, dans une ville nouvelle qu'ils baptisèrent du nom
mélancolique d'Ammochostos. Amrrwchostos signifie en effet «caché dans le sable»
; les habitants entendaient par là « vestiges ensablés de l'ancienne patrie
».
C'est du noyau d'Ammochostos qu'est issue la vielle ville de Famagouste. A
l'époque des premiers Lusignan (1192), elle n'était guère plus qu'un village,
mais un siècle plus tard avec la chute de SaintJean-d'Acre (1291) s'amorça, pour
la ville, un développement qui en moins d'une décennie fit de Famagouste la
Venise du Levant.
Famagouste eut, pendant son heure de gloire, un rayonnement fabuleux. Mais sa
chute ne fut pas moins spectaculaire. En septembre 1570, une armée de 250 000
hommes, placée sous les ordres de Lala Mustafa, assiégeaitles Vénitiens, au
nombre de 5 000, avec à leur tête Marc Antonio Bragadino. En dépit de la
disparité des forces en présence, le siège de Famagouste dura onze mois: la
reddition des assiégés n'eut pas lieu avant le 1er août 1571. La ville fut alors
le théâtre d'un véritable carnage et Bragadino, héros de Famagouste, fut
décapité sur l'ordre de Lala Mustafa, au terme de plusieurs jours de supplices
infligés en place publique.
Sous les nouveaux souverains, la vieille ville de Famagouste ne fut pas
reconstruite, mais au contraire - avec le concours d'entrepreneurs diligents -
démontée pierre par pierre et transportée par bateaux, sous forme de pierres de
taille équarries, de colonnes et de piliers, comme matériau de construction vers
les villes de Port-SaÏd, Alexandrie et Suez. Ce qui subsiste de l'ancienne
Famagouste a abrité jusqu'à ce jour la population turque de la ville. La
population grecque a, elle, jusqu'en 1974, vécu dans la Famagouste moderne,
désignée du nom de Varosha (faubourg) dont la superbe plage était, jusqu'à cette
date, très animée pendant les vacances.
Depuis 1974, ce centre naguère touristique est zone interdite, c'est à dire
ville fantôme. Les hôtels qui n'ont pas été détruits au cours des hostilités ont
été rendus inutilisables. Le nom de Varosha resurgit dans toutes les discussions
entre Chypriotes grecs et Chypriotes turcs; son sort n'a pas encore été
négocié.
Les remparts
Toutes les curiosités de la ville sont situés dans la partie ancienne, à
l'intérieur de puissantes fortifications. Erigés par les Lusignan, ces murs,
d'une hauteur de 17 mètres et d'une épaisseur de 9 mètres, furent consolidés par
les Vénitiens au XVIe siècle.
La citadelle, mieux connue sous le nom de tour-citadelle d'Othello, côté mer
de l'ancienne Famagouste, fut plus tard le siège du gouverneur vénitien. C'est à
Shakespeare qu'elle doit son nom actuel ainsi que son immortalité littéraire.
Elle serait en effet le théâtre du drame de la jalousie qu'est Othello. Sur une
plaque de marbre blanc apposée au-dessus de la porte d'entrée à la tour
-citadelle, resplendit aujourd'hui encore le lion ailé de SaintMarc.
L'architecture des remparts fut réaménagée en 1492 sur ordre du gouverneur
vénitien Foscarini. Depuis le toit de la forteresse, la vue est superbe.
Le bastion Djamboulat, qui se trouve être également la porte sudorientale de
la forteresse, abrite aujourd'hui un musée où sont exposés les trouvailles de
fouilles archéo logiques et des objets-témoins des traditions populaires. Le
bastion doit son nom à l'émir Djamboulat qui sacrifia sa vie dans le siège de
Famagouste; son mausolée est élevé contre le rempart.
La cathédrale Saint-Nicolas (aujourd'hui mosquée Lala Mustafa Pacha). Cette
cathédrale, érigée au XIVe siècle, qui rappelle à maints égards la cathédrale de
Reims, est la plus grande de l'île; les Lusignan y furent sacrés rois de
Jérusalem. Les Turcs la convertirent en mosquée en 1571.
Le palais vénitien (Palazzo del Prcrvveditore). En 1552, le gouverneur
vénitien fit élever sa résidence en face de la cathédrale, montrant par là la
puissance de son pouvoir temporel. Les envahisseurs turcs transformèrent une
partie de celle ci en prison; seul un portique constitué de quatre colonnes de
granit évoque le palais d'autrefois.
L'église Saint-Pierre-et-SaintPaul (mosquée Sinan Pacha). Elle aurait,
dit-on, été construite à l'âge d'or de Famagouste, sur ordre d'un commerçant,
avec le seul revenu d'une transaction commerciale. Elle fut convertie en mosquée
après l'invasion turque; par la suite, elle servit de grenier à céréales. Au
milieu du XVIe siècle, elle fut endommagée par deux tremblements de terre. |